Critique: War Theatre: Blood of Winter
Voici notre critique du jeu War Theatre: Blood of Winter, testé sur PS5:
Genre: Stratégie au tour par tour
Développeur: Frogwares
Date de sortie (sur PS5): 06 avril 2021
Rechercher l’unanimité est une chimère. Un dogme qui n’a rien d’alarmant et ce War Theatre l’a bien compris! Nul doute que le jeu ne s’adresse pas à tout le monde et que cette volonté est clairement assumée. Paré de son plus bel écrin, la production d’Arcade Distillery mise sur un terrain particulièrement glissant: celui de devoir satisfaire un public de niche exigeant et intransigeant à la fois.
Il faut dire que la marche est particulièrement haute dans le monde de la stratégie au tour par tour! Surtout que de nombreuses licences sont déjà installées dont certaines sont devenues tout simplement cultes. L’univers, l’équilibrage, le gameplay…tout doit être particulièrement bien dosé sous peine de perdre le gamer en route. Un droit à l’erreur réduit qui force le respect quant à l’ambition des développeurs.
Une pression à double-tranchant: ou la transcendance est de la partie ou l’effondrement est total. Cependant, la machine est rodée car le titre réunit l’ensemble du travail des créateurs effectué sur la licence. Pour un prix particulièrement attractif et, cerise sur le gâteau, avec une version augmentée sur PS5.
Préparez vous jeunes recrues! L’heure est propice et il est temps de se rendre sur l’impitoyable champ de bataille où règne la Mort en personne…
War amère
Soyons francs : si War Theatre vise un public particulier, il va sans dire que cette version PS5 est très généreuse au niveau de son contenu. Ainsi, si la promesse de graphismes et de framerate à la hausse ne saute pas spécialement aux yeux, les différents modes assurent comme il se doit! Entre les escarmouches uniques, où vous aurez le choix des conditions de victoire (tout détruire, assassiner ou encore capturer), le multi (nous y reviendrons) et les campagnes, il est clair que le jeu saura vous accompagner durant de longues heures (avec de nombreux heurts) pour peu que vous accrochiez au trip.
De plus, le studio a eu l’heureuse idée de vous mettre la partie “Legacy” qui n’est autre que l’aventure de base War Theatre en plus de celle proposée, Blood of Winter. Et les chiffres donnent le tournis: 13 héros aux caractéristiques distinctes pour mener les troupes au bain de sang qui se prépare lors de chaque joute. Autant dire que vous en aurez largement pour votre argent, assurant une durée de vie bien costaude pour un défi qui l’est tout autant! Mais avant de vous détailler le gameplay, il convient de vous évoquer la direction artistique absolument fabuleuse.
Visuellement, il faut avouer que c’est magnifique à l’exception de la vue du dessus. Si celle-ci est minimaliste, tant au niveau du détail des cartes que de la représentation des combattants, le chara-design et la représentation des assauts en 2D sont géniaux. Alors bien sûr, il faudra accepter des animations très sommaires mais qui correspondent totalement à l’esprit initié par War of Theatre. Le côté “fait à la main” possède un charme fou en dépit d’un coup de crayon assez épais. Nous avons donc affaire à des unités incroyables avec notamment des machines de guerre improbables qui s’incrustent parfaitement dans l’univers dépeint.
Car dans le jeu, cela empeste la nécrose de toute part. Le steampunk prédomine et l’anéantissement est total. Aucune sensation de vie, juste des ruines issues du champ de bataille. Un sentiment de désolation accapare le joueur qui comprend très vite que l’humour n’a pas sa place ici. Cela se confirme par le biais des dialogues, sobres mais efficaces. Pas de grandes cinématiques : le scénario est aiguisé mais se contente de quelques lignes en début ou fin de fight. Cependant, les allergiques à l’anglais seront en difficulté puisque le titre est uniquement sous-titré dans la langue de Shakespeare. Pas de traduction en VF, même si le niveau requis n’est pas non plus élevé. Tout est compréhensible même si quelques subtilités pourraient échapper à celui qui est moins à l’aise.
La guerre fade?
Si l’écriture n’est donc pas particulièrement poussée, elle se délecte d’une atmosphère soutenue. L’OST fait aussi sa part de travail avec une orchestration pertinente, sombre et dans le ton. Si nous ne pouvons que déplorer une certaine répétitivité de la partition, force est de reconnaître que la puissance des notes est sans commune mesure. La violence n’en est que renforcée, ce qui peut paraître paradoxal au regard des compositions qui ne versent jamais dans l’épique à outrance mais plus dans un calme ambiant et malsain. Un véritable coup de maître qui contribue à l’identité si prononcée de War Theatre.
Toutefois, nous ne pouvons malheureusement pas en dire autant du sound design. Si les protagonistes ne sont pas doublés, ce qui n’est pas si dérangeant que cela, la mollesse des bruitages est difficilement pardonnable. Le bruit des pétoires et des canons est banal et aucune impression d’impact ne se dégage, ce qui est fâcheux pour la représentation de l’intensité des affrontements. Cela péjore le rythme et la mise en scène, rendant les rixes finalement assez neutres. Par bonheur, le gameplay est pensé pour rattraper cette déconvenue.
En effet, War Theatre se distingue par un principe très simple: vos unités sont disponibles sur la carte et vous fonctionnez par mission afin d’écraser votre adversaire. Les conditions sont multiples, sans que ce soit trop varié. Vous aurez même parfois le choix de l’objectif à remplir vous permettant d’accéder au triomphe. Et les aficionados reconnaîtront les inspirations, dont les musts Advance War et Dragon Force, des références absolues du genre. Sans afficher autant de maîtrise, il faut avouer que la production s’en tire avec les honneurs même si quelques bémols sont à émettre.
Le concept est limpide : la règle du “pierre-feuille-ciseaux” régit les batailles qui se déroulent au tour par tour. De fait, une unité lourde balaiera les fantassins de base mais souffrira contre les ballons aériens. A l’inverse, ces derniers se feront aisément renversés par le soldat léger et ainsi de suite…
En usant de ce procédé, Arcade Distillery s’assure d’une chose: l’accessibilité. Du moins en apparence! En effet, les mécaniques s’intègrent rapidement et naturellement, d’autant que chaque prologue est suffisamment explicite pour éviter de louper le coche. Cela présente aussi un avantage: contrairement à certaines dérives des STR, nul besoin de produire une unité un peu cheatée pour démolir l’adversaire au détriment d’une stratégie huilée. Chaque troupe à son utilité et ne sera jamais obsolète.
Plot of War
Cela représente tout l’enjeu de War Theatre: vous devez produire vos unités selon un coût bien défini. Chacune d’entre elles possède ses propres caractéristiques que vous devrez étudier de (très) près. Les déplacements se faisant sur une grille, il faudra penser à observer la capacité disponible pour chaque troupe. Le troufion de base ou l’espion sont de parfaits éclaireurs mais leur puissance de feu est minime tandis que les machines sont bien plus longues pour se mouvoir alors que leur force de frappe est bien supérieure. Carabine contre canon, il n’y a pas photo! La portée des armes sera aussi à analyser, offrant une dimension tactique non négligeable.
Même si l’ergonomie des menus est clairement à revoir, la donne est explicite. Vous vous y ferez rapidement sachant que tout ce beau monde est disponible…dès le début! Cela pose un réel problème car aucune surprise ne sera au rendez-vous et un sentiment de redondance pointera le bout de son museau au bout de quelques heures. D’autant plus que les cartes ont tendance à se ressembler de temps à autre. Ce constat couplé à un relatif manque de visibilité général et des obstacles dont l’utilité est relative émettent de lourdes tares qui rendent War Theatre moins ultime qu’il n’aurait pu l’être.
Ajoutez à cela une relative lenteur de l’IA pour jouer ses coups et il est assuré que certains lâcheront le pad rapidement. Pour les autres, ils apprécieront les performances de cette dernière dans sa capacité à produire de bonnes unités pour vous contrer. Le droit à l’erreur est minime et le jeu est particulièrement retors: il y a des chances que vous en baviez! Jusqu’à enchaîner les défaites avant de saisir la méthode. Bien sûr, nous pourrions reprocher une difficulté en dents de scie où certaines missions paraissent abordables alors que d’autres vous sembleront atroces.
Ce côté peu accueillant a de quoi calmer les ardeurs des plus téméraires. Heureusement, vous incarnez à chaque mission un héros qui a son propre pan narratif. Schématiques, il s’agit de protagonistes très puissants qui disposent de leurs propres pouvoirs. Un regret concerne un léger manque de variété car même si tous se jouent différemment, cela n’est pas assez marqué pour rompre les similitudes. Les campagnes se suivent un peu et mis à part pour les férus, il semble peu probable que le gamer lambda enchaîne les nuits blanches pour venir à bout du challenge proposé.
Blood inné!
Et pour gagner de l’argent et produire des forces vives? Vous devrez vous étendre en capturant des usines (pour “construire” votre armée) et des bâtiments, appelés “cities”. Ceux-ci vous permettront de gagner de l’argent à chaque tour et votre empire définit le nombre d’unités maximum dont vous pouvez disposer. Un véritable plus qui évite de foncer tête baissée, d’autant que le brouillard de guerre vous plonge souvent dans l’inconnu. Tout est bien réalisé et il faudra se développer avant l’ennemi, ce qui impose de prendre en compte l’espace et ses modalités. Il vous faudra assurer un démarrage rapide car War Theatre pousse à l’offensive, vous obligeant à répondre à une logique attaque/défense sans trop découvrir votre flan.
Et en cela, point de triche. Il arrive qu’au bout de 5 tours, vous soyez en mesure de sentir la défaite se profiler. Si cela peut paraître frustrant, ce n’est rien en comparaison de l’immense satisfaction générée par vos réussites. Une courbe d’apprentissage qui dénote avec le manque d’évolution du processus. Tant mieux finalement au sens où les belligérants disposent tous des mêmes jobs inhérents aux troupes. Seuls les héros changent (aaaah, ce Général Mort!).
S’exposer aux contres, conquérir, faire une percée… le cahier des charges est donc bien rempli, cohérent et complet. Comme nous vous le disions, le leitmotiv n’évolue que très peu et le job est fait. De plus, une petite composante RPG vient égayer toute cette terre du chaos: les perks. Ces derniers s’achètent petit à petit, au fil de votre progression. Sur le papier, cela ajoute des bonus, offensifs par exemple, afin de vous donner une chance supplémentaire pour écraser l’opposant. A l’image du reste: rien de bien compliqué mais cela pousse à entreprendre d’autres combats pour progresser encore et encore.
Une véritable nécessité surtout lorsque vous vous frotterez au multijoueur qui ne pardonne pas! Même si le temps pour trouver un adversaire peut être long (sachant que nous avons utilisé notre compte PSN US pour les besoins de ce test), War Theatre prend une toute autre dimension entre coups de génie du joueur qui vous fait face et erreurs à exploiter immédiatement. C’est à ce moment-là que vous connaîtrez les bienfaits de votre empirisme et que vous ferez jaillir votre expérience. Certaines situations vous paraîtront familières et vous ferez parler la poudre efficacement pour légitimer votre domination.
Comme le grand meneur de soldats que vous êtes devenu. Silence dans les rangs! L’heure de la charge a sonné…
Objet étrange que représente ce War Theatre: Blood of Winter. Bien que assailli par de multiples défauts, le jeu est pétri de bonnes intentions. Sous une couche qui pourrait se révéler repoussante pour une frange de joueurs se dévoile une production réellement addictive, exigeante et terriblement identifiable.
Une patte graphique hallucinante et un univers aussi fascinant que glauque font du jeu une curiosité du monde de la stratégie au tour par tour. Peut-être moins bien calibré que ses illustres aînés dont il s’inspire allègrement, War of Theatre n’échoue pas dans ce qu’il entreprend. Doté d’une difficulté parfois décourageante, le jeu pousse à se surpasser en dépit de règles particulièrement évidentes à assimiler.
Un fruit qui sera donc plus âpre pour certains mais ceux qui veulent en recueillir l’essence y trouveront une grande satisfaction malgré une récursivité parfois lassante. En ce sens, nous ne saurons que vous conseiller de faire votre dégustation par petites doses afin d’éviter une indigestion qui vous serait fatale.
D’autant plus que le menu est très copieux, ce qui fait de cette édition PS5 la plus riche des versions sorties. De quoi largement se rassasier à condition d’accepter certains choix discutables et de s’accrocher à l’aventure.
Comme quoi la guerre est certainement une chose très laide qui peut accoucher de grandes épopées.
Un énorme merci à Arcade Distillery de nous avoir permis de tester le jeu pour en faire une critique.
Merci d’avoir pris le temps de lire notre critique du jeu War Theatre: Blood of Winter. N’hésitez pas à nous donner vos avis sur ce jeu dans la section commentaire, ci-dessous!
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